Adapter la société au vieillissement de la population

Nul n’ignore qu’il s’agit de l’un des défis contemporains que les pouvoirs publics doivent impérativement relever. La transition démographique est inexorable. Les études statistiques menées depuis un certain nombre d’années en témoignent.

Indiscutablement, « notre société doit s’adapter, dès à présent, pour permettre à tous de profiter dans les meilleures conditions sociales, économiques et sanitaires, et le plus longtemps possible, de ce formidable progrès porté par l’allongement de l’espérance de vie ». Or, si cet énoncé, extrait de l’Annexe 2 de la loi portant adaptation de la société au vieillissement de la population (entrée en vigueur le 1er janvier 2016), souligne la volonté des pouvoirs publics d’œuvrer pour le « mieux-être » de tout un chacun, paradoxalement ce texte législatif se concentre essentiellement sur celui des « personnes âgées », en d’autres termes sur celui des individus ayant 60 ans au moins.

Certes, les aînés doivent être à l’honneur, et ils le sont. Au total, cette loi compte 187 références aux (à la) « personne(s) âgée(s) ». Pour autant, les sexagénaires (et plus) ne sont pas les seuls à connaître une nouvelle longévité. Il en va de même des personnes handicapées et des personnes polyhandicapées. S’agissant de ces dernières, plus précisément des personnes qui présentent « un handicap grave à expression multiple associant déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde et entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation » (art. D. 312-83 du Code de l’action sociale et des familles), leur espérance de vie a quasiment doublé, ce qui n’est pas sans conséquences pour elles et leurs proches.

Ces aidants, déjà confrontés au quotidien à diverses problématiques qui mériteraient une mobilisation effective des décideurs publics aux côtés de l’implication continue du tissu associatif, doivent faire face à de nouvelles interrogations, en l’occurrence celles que soulève leur propre avancée dans l’âge. D’ailleurs, à l’aune de la pyramide des âges, l’une d’elles se pose avec une particulière acuité. Qu’adviendra-t-il de leur proche polyhandicapé si leur propre longévité au-delà de 60 ans devait s’accompagner d’une perte d’autonomie ?

La loi portant adaptation de la société au vieillissement de la population ne livre pas de réponse. L’occasion de ce texte n’a donc pas été saisie par les pouvoirs publics afin de poser les jalons d’un cadre juridique spécifique destiné à protéger les personnes polyhandicapés d’un risque singulier induit par l’allongement de leur durée de vie. Leur nouvelle longévité accentue d’autant leur aptitude à survivre à leurs proches, à leurs aidants familiaux. Or, en tel cas, comment assurer le relai conformément au respect dû à la dignité de personne humaine ?

 

            Vieillissante, la société l’est assurément, dans toutes ses composantes humaines. Aussi, peut-être faudrait-il pleinement intégrer dans le champ des travaux parlementaires à venir qu’elle est également 
« résolument plurielle », et non plus se limiter qu’à le scander.

 

Katia LUCAS
Maître de Conférences en Droit Public
Université de Perpignan